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N°232- Quelle étrange époque

feuille paroissiale N 232

 

 

Quelle étrange époque que celle que nous vivons ! c’est avec grand bonheur que nous nous retrouvons notamment pour célébrer ensemble le Christ ressuscité qui donne sens à notre vie. Nous apprenons à maîtriser les règles sanitaires qui nous sont imposées : les gestes barrières, la distanciation physique, le gel hydroalcoolique, le port du masque.

C’est quand un élément vient à manquer que nous prenons conscience à quel point celui-ci est vital : La vie de famille, non seulement à l’intérieur de la maison, de l’appartement mais surtout avec les différentes générations. Skype ne remplace pas la visite et les câlins avec les grands-parents. L’isolement et le confinement de nos aînés notamment dans les EHPAD provoque bien des dégâts, des glissements. Certes il nous faut prendre soin les uns des autres, nous protéger pour éviter de transmettre ce fameux virus à autrui, mais le port du masque nous fait prendre conscience que nous communiquons avec tout notre corps au-delà des mots, notamment grâce au visage. Un sourire, la bouche qui s’ouvre ou se ferme, le plissement des lèvres, le menton qui se replie ou s’allonge, la petite fossette qui soudain apparait, le front qui s’étire…. De mille et une façon avec le visage nous transmettons notre empathie ou notre désapprobation, notre désinvolture ou notre attention, la tristesse ou la joie, la fatigue ou la douceur, la révolte ou la paix….

Être apôtre, disciple du Christ c’est porter une Bonne Nouvelle aux autres, c’est essayer de trouver les mots, les images pour traduire l’Evangile, cela se fait dans un dialogue, dans un échange. Dimanche dernier pour la première fois depuis plus de 2 mois je célébrais l’Eucharistie avec une assemblée de fidèles « anonymes ». J’étais incapable de reconnaitre les uns et les autres. Certes, il y a la calvitie et  les fronts plus ou moins ridés, la stature… mais plus aucun retour. L’homélie est un dialogue. Attentif, nous pouvons ressentir si le discours est audible, s’il est reçu, s’il touche les âmes et les cœurs. Comment deviner si derrière ce bout de tissu, chacun est entrain de sourire, ou de pleurer, de faire la tête, de s’assoupir ou d’approuver….

Il y a quelques temps de cela l’actualité était parasitée par l’acceptation ou le refus du port du voile islamique : le Niqab, l’hidjab ou la burka… à l’école, sur les lieux publics dans les administrations. Et voilà qu’aujourd’hui nous dissimulons tous la beauté de notre visage. Et dîtes-moi, la séduction qu’en fait-on ?

A la maternité, les grands-parents accourent pour vérifier les marques de familles, le bout du nez de la maman, l’oreille décollée du papa. Comble de l’extase lorsque le grain de beauté de l’arrière-grand-mère est bien là au centre de la joue droite. Jésus n’est-il pas venu nous révéler le visage du Père ?

Oui, Heureux sera le moment où à la suite de l’aveugle Bartimée, nous pourrons jeter notre manteau de mendiant, le moment où nous pourrons clamer «bas les masques ! »

Bien fraternellement, à visage découvert !

Abbé Bruno